A la vue des précédentes élections présidentielles, la jeunesse devient de plus en plus un enjeu politique crucial. Il s’agit d’un segment électoral très spécial, les jeunes sont la population qui vote le moins mais aussi une des populations qui, à travers certains mouvements militants, s’implique le plus dans les élections à venir. Ce contraste entre désintérêt politique et militantisme est aussi fortement lié aux milieux dans lesquels les jeunes évoluent, et notamment à leur appartenance à des écoles ou universités.
Les élèves d’institutions comme La Sorbonne ou encore Science Po Paris sont connus pour leur implication dans la vie politique, qu’en est-il alors des élèves d’école de commerce ?
Le commerce et la politique, une vieille histoire
La politique est relative à l'organisation du pouvoir dans l'État et à son exercice, dans ce sens la politique est plus ancienne que le concept d’homme politique, revenons sur toutes ces nuances. L’homme de commerce a en quelque sorte depuis longtemps été lié à la politique. C’est déjà le cas durant la renaissance où les bourgeois, prenant du pouvoir grâce à leur puissance financière, commencent à prendre des responsabilités politiques locales dans les grandes villes marchandes. Des conseils, des guildes prennent forme et s’affirment. Les bourgeois, tirant leurs richesses du commerce, sont ensuite responsables et associés aux évolutions politiques suivantes. De la Révolution française à la Première République, surnommé la République Bourgeoise, le pouvoir politique des hommes de commerce grandit, ils se réservent le droit de vote à travers le suffrage censitaire et accèdent aux fonctions politiques. Les fonctions politiques se partagent entre les anciens aristocrates, les hommes de droit et les hommes de commerce. L’influence de ces derniers est réduite légèrement par l’Empire puis par la Restauration avant de resurgir avec une influence libérale amenant sur le trône Louis Philippe et plus tard ayant raison des dérives autoritaires de Napoléon III pour en faire le champion de cette nouvelle classe commerciale.
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Enfin, c’est avec la IIIᵉ République que les hommes de commerce se lient avec la fonction politique, les grands industriels augmentent leur influence sur le gouvernement et parallèlement émerge la figure de l’« homme politique », professionnel qui se dédit complétement à l’exercice du pouvoir et, pour la majorité des cas, issu du monde bourgeois et commercial.
Il est encore fréquent de voir des hommes politiques venant du monde privé et plus encore, venant d’écoles de commerce. On peut compter parmi les alumnis de HEC entre autre François Hollande, Valérie Pécresse ou encore Florian Philippot. Michel Barnier ou encore Jean-Pierre Rafarin ont quant à eux côtoyé les bancs de l’ESCP, pour Cécile Duflot ou Fleur Pellerin c’était l’ESSEC. Ainsi bien qu’évidemment la politique ne soit pas la débouchée évidente d’une grande école de commerce, les liens existent et sont encore d’actualité, par exemple 4 des 25 étudiants admis par concours externe (celui ouvert aux étudiants) de la promotion 2017 de l’ENA étaient issus d’école de commerce.
La politique au sein des écoles de commerce
Les écoles de commerce modernes se sont toujours positionnées de manière neutre et ont préféré adopter vis-à-vis du climat politique une posture neutre. Cela est dû notamment à leurs liens avec les institutions privées, leur besoin de dons et leur volonté de s’éloigner de la sphère médiatique pour éviter tout scandale entachant leur image.
Jusqu’à récemment seul HEC faisait exception avec deux associations politiques sur le campus, « Hemisphère Droit » et « Contre Courant ». Ces associations, positionnés respectivement à droite et à gauche de l’échiquier politique n’ont pas survécus à la campagne de 2017. On peut ainsi dire qu’aujourd’hui malgré l’approche des élections présidentielles, le militantisme est presque absent des écoles de commerce avec de petits groupes essayant de se former mais sans grand succès. Cette situation semble assez paradoxale puisque les étudiants en question ont suivi un enseignement de géopolitique et d’économie important, mais il semble qu’un effet d’isolement du débat public existe.
Il n’empêche que si les écoles de commerce créent des chemins pour rejoindre le monde politique, ce dernier ne fait pas bon ménage avec celui de l’école de commerce de nos jours. Il suffit de prendre comme exemple la récente polémique autour de la venue d’Éric Zemmour à l’ESCP.
Pourtant, le lien entre école de commerce et politique est maintenue par les administrations des écoles à travers de nombreuses filières menant aux métiers du publics.
Ainsi à HEC Paris la Prep’ENA a longtemps été une des filières les plus prestigieuses et l’école peut aussi se targuer de posséder un partenariat solide avec Science Po Paris, école qui a vu passer 5 des présidents français de la Vème République. HEC propose aussi d’autres filières comme le double diplôme Public Policy and Management, HEC Paris / Freie Universität Berlin, le double diplôme MALD (Master of Arts in Law and Diplomacy), HEC Paris / Fletcher, le double diplôme International Relations, HEC Paris / MGIMO et le double diplôme Public Policy HEC Paris / Georgetown University. D’autres écoles de commerce cultivent cette ouverture sur le monde politique comme l’ESSEC (Prep’ENA avec Paris IX-Dauphine) ou encore l’ESCP (convention avec l’Université Paris 1 et l’ENS pour permettre à certains étudiants d’accéder à la prép’ENA). Ainsi il existe de nombreuses « passerelles » entre le monde du commerce et celui de la politique, c’est d’ailleurs de ce parcours qu’a bénéficié François Hollande qui a étudié à la fois à Science Po Paris et à HEC.
Il n’empêche que si les écoles de commerce créent des chemins pour rejoindre le monde politique, ce dernier ne fait pas bon ménage avec celui de l’école de commerce de nos jours. Il suffit de prendre comme exemple la récente polémique autour de la venue d’Éric Zemmour à l’ESCP. Cette apparition avait été organisée par l’association « Tribunes », dont la volonté était justement de donner la parole à tous les candidats à l’élection quelques soient leurs idées. Cependant, de nombreuses personnes au sein de l’école, de son réseau d’anciens élèves et du monde médiatique n’étaient pas de cet avis, affirmant que l’école devrait refuser de recevoir ce genre de personnage controversé et appliquer une politique de neutralité active, en excluant la campagne du cadre de l’école.
Dans ce sens Libération titrait : « Zemmour à l’ESCP : la coupable «neutralité» de la direction ». Une école de commerce, selon certains médias devrait donc bien appliquer cette neutralité active et imposée plutôt qu’une neutralité passive invitant à faire entendre en son sein tous les discours d’actualité.
Ainsi, si l’école de commerce peut conduire et est proche du monde politique, il existe aujourd’hui un certain malaise quant à la place de la politique en son sein. Mais ne nous y trompons pas, ce malaise n’est pas infondé, il est déjà explicable par tous les facteurs déjà expliqués plus haut (neutralité exigée, responsabilité auprès des donateurs et des entreprises…), ensuite, il est dans l’ère du temps.
En effet, la place de la politique dans les établissements d’étude est déjà un sujet majeur dans le monde anglophone, cette problématique complexe arrive aujourd’hui en France, et la polémique autour de la venue d’Éric Zemmour à l’ESCP n’est pas étrangère de cette dynamique. Elle montre qu’après des établissements comme Science Po Paris, c’est peut-être au tour des écoles de commerce d’être secouées, malgré leur neutralité souhaitée, par la place de la politique en leur sein.
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